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- Mise en place du comité social et économique (CSE) : les tribulations de l'établissement distinct
Les entreprises d'au moins 11 salariés doivent organiser des élections en vue de la mise en place d'un comité social et économique (CSE).
Dans les entreprises à structure complexe, cette organisation a lieu au niveau de chaque établissement d’au moins 11 salariés constituant un établissement distinct, sans préjudice de l’instauration d’un comité social et économique central, au niveau de l’entreprise.
La reconnaissance de l’établissement est donc un enjeu important pour les entreprises puisqu’elle conditionne le nombre potentiel de CSE.
L’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 a substantiellement modifié les modalités de reconnaissance de l’établissement distinct, mais aussi les situations dans lesquelles cette reconnaissance doit avoir lieu et le contentieux y afférent. Elle a également précisé les prérogatives attribuées au CSE d’établissement.
L’obligation préalable de déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts
En principe, le périmètre d’implantation du CSE est l’entreprise (C. trav., art. L.2313-1). Cependant, dans le cas où celle-ci comporte plusieurs établissements, la loi prévoit une étape préalable à l’élection du CSE : la définition du nombre et du périmètre des établissements distincts qui composent l’entreprise et au sein desquels doit être organisée la représentation des salariés (C. trav., art. L.2313-2 et suivants).
En effet, une entreprise peut comporter plusieurs implantations géographiques différentes. Toutefois, la circonstance que ces sites constituent des établissements au sens de l’INSEE, donnant lieu à l’attribution d’un numéro Siret, n’en font pas nécessairement des établissements distincts au sens de la représentation du personnel. C’est ainsi qu’un établissement distinct peut regrouper plusieurs implantations (sites, ateliers, annexes, etc.) géographiques. Il faut donc, dans un tel cas, que soient déterminés ceux de ces "établissements" qui constituent des établissements distincts.
Il semble que la question de la division préalable de l’entreprise en établissements distincts ne se pose que lorsque l’entreprise comporte plusieurs implantations géographiques, même proches, susceptibles de constituer à ce titre de tels établissements. Il s’en déduit que, dans le cas d’une entreprise implantée sur un seul site et relevant d’une direction unique, la question de l’établissement distinct ne se pose pas. L’entreprise constituant nécessairement un établissement unique, c’est à son niveau que doit être mis en place le CSE, sans nécessité préalable d’une décision unilatérale ou d’un accord se prononçant sur le caractère unique ou non de l’établissement ( cf. voir infra.).
Les modalités de reconnaissance de l’établissement distinct
Avant le 1er janvier 2018, la reconnaissance d’un établissement distinct pouvait résulter, soit du protocole d’accord préélectoral adopté à la double majorité soit d’une décision de la direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) en cas de désaccord, soit enfin d’une décision unilatérale de l’employeur si aucune organisation syndicale ne s’est présentée pour négocier le protocole.
Désormais, la détermination des établissements distincts peut résulter :
- d’un accord collectif d’entreprise conclu avec les organisations syndicales représentatives représentant la majorité des suffrages exprimés en faveur des organisations syndicales représentatives ;
- d’un accord avec la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel au CSE ;
- en l’absence d’accord, d’une décision unilatérale de l’employeur.
Les textes n’indiquent pas explicitement si, dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux, l’ouverture d’une négociation avec les partenaires sociaux constitue une condition préalable à toute détermination des éventuels établissements distincts par décision unilatérale. Cependant, il semble que la prudence commande d’engager la négociation.
En revanche, en l’absence de délégué syndical dans l’entreprise, la négociation avec les élus ne constitue, à notre sens, qu’une simple faculté pour l’employeur. Ces entreprises pourront donc, à leur convenance, décider d’ouvrir une négociation avec les élus du personnel ou de fixer unilatéralement le nombre et le périmètre des établissements distincts.
Avec l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2017-1386, les critères de l’établissement distinct qui, jusqu’à présent résultaient de la jurisprudence, font désormais l’objet d’un encadrement par la loi mais uniquement lorsque leur détermination résulte d’une décision unilatérale de l’employeur. Le législateur prévoit en effet que, dans ce cas, l’employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts « compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’entreprise, notamment en matière de gestion du personnel ». À cet égard, la Cour de cassation a récemment précisé ce critère en retenant que l’établissement distinct, pour la mise en place du CSE, est celui « qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service » (Cass. soc., 19 déc. 2018, n° 18-23.655). Elle reprend ainsi à son compte la définition retenue par le Conseil d’Etat pour la mise en place des comités d’entreprise (CE, 29 juin 1973, Compagnie des wagons-lits, n° 77.982).
Ce critère de l’autonomie de gestion n’est pas requis lorsque la détermination des établissements distincts résulte d’un accord collectif conclu avec les délégués syndicaux ou avec la majorité des membres titulaires du CSE. Dans ces deux cas, les parties à l’accord sont libres de définir comme elles le souhaitent les établissements distincts.
Le contentieux de l’établissement distinct
Lorsque l’employeur décide du nombre et du périmètre des établissements distincts par une décision unilatérale, il en informe :
- lorsque l’entreprise est pourvue de délégués syndicaux, les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise et celles ayant constitué une section syndicale ;
- en l’absence de délégué syndical dans l’entreprise et dans l’hypothèse où des négociations avec ses membres ont échouées, le CSE.
Les intéressés, dûment informés de la décision de l’employeur, disposent à compter de cette date d’un délai de 15 jours pour la contester devant la Direccte, laquelle doit faire connaitre sa décision dans un délai de deux mois à compter de la réception de la contestation. La décision du Direccte est elle-même susceptible de recours devant le tribunal d’instance dans un délai de 15 jours suivant sa notification. Ce dernier doit alors statuer dans les dix jours de sa saisine. La Cour de cassation a récemment apporté une précision de taille s’agissant de l’étendue des pouvoirs du tribunal d’instance en retenant qu’il incombait à celui-ci non seulement d’examiner l’ensemble des contestations mais également, en cas d’annulation de la décision, de fixer lui-même le nombre et le périmètre des établissements distincts (Cass. soc., 19 déc. 2018, précité).
Lorsque la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts résulte d’un accord collectif, celui-ci peut, comme tous les accords collectifs, faire l’objet d’une action en nullité dans un délai de deux mois à compter de sa notification aux organisations syndicales disposant d’une section syndicale dans l’entreprise ou, à défaut, à compter de sa publication sur le site legifrance.gouv.fr (C. trav., art. L.2262-14). Une inconnue demeure néanmoins, s’agissant de l’étendue du contrôle qui sera opérée par le juge sur les stipulations de l’accord : se bornera-t-il à vérifier que l’accord a été négocié dans des conditions régulières pour valider le découpage opéré par les partenaires sociaux ou, au contraire, se livrera- t-il à l’examen des critères retenus par les partenaires sociaux pour éventuellement remettre en cause ce découpage, limitant ainsi leur liberté d’action dans la détermination des établissements distincts ? Nul doute que de prochaines décisions apporteront un premier éclairage sur cette question.
Les attributions du CSE d’établissement
Aux termes des nouvelles dispositions légales, c’est l’effectif de l’entreprise et non celui des établissements qui détermine l’étendue des attributions du CSE d’établissement (C. trav., art. L.2312-1). Ainsi, un CSE institué au sein d’un établissement distinct de 30 salariés appartenant à une entreprise qui en compte 100 bénéficiera de l’ensemble des prérogatives reconnues au CSE mis en place dans les entreprises d’au moins 50 salariés (personnalité juridique, budgets de fonctionnement et des activités sociales et culturelles, consultations, etc.). Cette donnée doit incontestablement être prise en compte par les entreprises au moment de la détermination des établissements distincts.
Article publié le 26 mars 2019
Source : Article paru dans Les Echos Exécutives le 25 mars 2019.
Contenu réalisé par CMS Francis Lefebvre Avocats
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