La semaine en quatre jours suscite des débats passionnés. Ce rythme de travail, testé dans le privé et le public, semble favoriser les employés qui ne peuvent télétravailler et les grandes entreprises, particulièrement dans l’industrie. Cela suppose néanmoins une phase de préparation longue et dense, afin de trouver un modèle économique propre à chaque entreprise. Les bienfaits ne sont pas toujours avérés pour les salariés et les entreprises.
L’idée de réduire, non pas le temps de travail, mais le nombre de jours sur lesquels il est effectué fait école partout en Europe. Au Royaume-Uni, en Espagne ou en Belgique, de nombreuses initiatives ont été lancées pour tester cette nouvelle organisation. En France aussi, plusieurs entreprises ont déjà franchi le pas et expérimentent la semaine de 4 jours.
La semaine en quatre jours est le plus souvent réalisée sans réduction du temps de travail et peut être appliquée en entreprise selon plusieurs modalités : augmentation de la durée quotidienne de travail, semaine de 4 jours alternée ou passage en 4 jours sous formes d’annualisation ou de modulation du temps de travail…
La version la plus testée en France est la semaine en quatre jours, qui équivaut à une journée de 8h45 pour les salariés en 35 heures. Selon SIA Partners, cette modalité d’application de la semaine de 4 jours représente plus de 80% des expérimentations.
Si les politiques de réduction du temps de travail de ces dernières décennies étaient portées par des préoccupations d’emploi et de partage du travail, la semaine de quatre jours semble aujourd’hui répondre davantage à des préoccupations d’attractivité, de recrutement et de fidélisation de talents, ainsi que d’innovation avec la recherche de nouvelles formes d’organisation et de performance. La qualité de vie et les conditions de travail ainsi que la recherche d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle occupent une place centrale dans les préoccupations des entreprises.
Cependant, Le passage à une semaine de 4 jours peut nécessiter une redistribution des tâches et une modification des plages d'ouverture, ce qui peut s'avérer complexe. Certains salariés peuvent également ressentir une surcharge de travail. Et avec, l'augmentation du stress et des contre-performances.
Cette approche innovante du travail, qui permet aux salariés
d’effectuer leurs trente-cinq heures en quatre jours, vise à améliorer la
qualité de vie des salariés tout en maintenant, voire en augmentant, la
productivité des entreprises. Est-ce bien le cas pour les entreprises qui
l’expérimentent ?
Les différentes modalités de mise en œuvre de la semaine de 4 jours
La semaine de quatre jours peut déboucher, en fonction des contextes sur différentes modalités d’organisation du temps de travail :
• La semaine de 4 jours associée à une réduction du temps de travail, généralement à 32 heures ou à une réorganisation des forfaits jours. Cette modalité concernerait 20 % des accords signés en 2023.
• La semaine en 4 jours, ou « semaine comprimée » reposant sur une augmentation de la durée quotidienne de travail (de 8h à 8h30 ou 8h45).
• La semaine de 4 jours alternée avec des semaines à 5 jours, ou 4,5 jours. Une modalité qui permet de répondre à certains enjeux contemporains, comme la parentalité, tout en ne redimensionnant pas complètement l’organisation du travail.
• La semaine de 4 jours modulée relevant de différentes formes d’annualisation ou de modulation du temps de travail. A titre d’exemple, nous avons eu le témoignage d’une chocolaterie compensant ses périodes de très hautes activités par des semaines de 4 jours à 32 h sur l’essentiel de l’année.
• La semaine de 4 jours à la carte, adaptée en fonction des services et/ou des personnes, et faisant cohabiter plusieurs formes d’organisation au sein de l’entreprise, voire du service. On peut également trouver ici les dispositifs d’aménagement de fin de carrière présent plutôt dans les grandes entreprises.
Les défis de la mise en place
La mise en place de la semaine de 4 jours n'est pas sans défis. Certaines entreprises peuvent craindre une baisse de la productivité ou des difficultés à organiser le travail sur une période plus courte. Il est également nécessaire de repenser l'organisation interne et de mettre en place des outils de gestion adaptés pour garantir une transition en douceur.
Le comité social et économique (CSE) et les Responsables RH peuvent favoriser un espace de dialogue social sur cette question. Ils peuvent sonder les salariés pour identifier leurs envies et leurs besoins. La consultation des salariés sur cette question est la première étape à réaliser. Pendant cette période de consultation, le CSE ou les services RH peuvent identifier les motivations des salariés à accepter ce type d’accord.
Arès la phase de consultation, il est essentiel de bien planifier l'expérimentation et de communiquer clairement avec les salariés. Impliquer les employés dans le processus de décision et recueillir leurs retours peut aider à identifier les problèmes potentiels et à trouver des solutions adaptées. De plus, il peut être utile de commencer par une phase d'expérimentation limitée dans le temps, afin d'évaluer les résultats de manière progressive.
Les avantages de la
semaine de 4 Jours
La semaine de 4 jours gagne en popularité actuellement en raison de plusieurs facteurs et tendances sociétales. Des entreprises pionnières permettent à leurs salariés d’effectuer leurs trente-cinq heures en quatre jours.
Selon le Crédoc : « la formule consistant à réduire le nombre de jours travaillés à 4 jours par semaine sans réduire le temps de travail séduit un actif sur deux, qui seraient a priori plus satisfaits de ce rythme. »
Pour les salariés interrogés, la semaine en 4 jours est perçue comme une opportunité de disposer de plus de temps personnel ou familial et d'aller vers un meilleur équilibre de vie.
L'un des principaux avantages de la semaine en 4 jours est l'amélioration de l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. En réduisant le nombre de jours travaillés, les salariés disposent de plus de temps pour se consacrer à leurs loisirs, à leur famille et à leurs projets personnels. Cette réduction du temps de travail peut également contribuer à réduire le stress et à améliorer la santé mentale des employés.
La semaine de travail en 4 jours favorise également une plus grande égalité en offrant aux femmes travaillant à temps partiel la possibilité de retrouver une rémunération équivalente à un temps plein, tout en conservant une journée de repos.
Du côté des entreprises, la semaine de 4 jours peut se traduire par une augmentation de la productivité. En effet, des études ont montré que des salariés moins stressés et mieux reposés sont souvent plus efficaces et plus créatifs. De plus, cette organisation du travail peut attirer de nouveaux talents et fidéliser les employés actuels, en offrant un avantage concurrentiel sur le marché du travail.
La semaine de quatre jours peut augmenter l’attractivité des entreprises sur un marché du travail de plus en plus compétitif. En proposant un modèle de travail novateur et en phase avec les attentes croissantes des travailleurs en matière de flexibilité et de qualité de vie, les entreprises peuvent attirer de nouveaux talents désireux d’intégrer un environnement qui valorise leur bien-être.
La revanche des oubliés du télétravail
Face à une population de cadres qui a pu apparaître privilégiée car en capacité de télétravailler depuis le Covid-19, la semaine de quatre jours sonne comme une petite revanche pour les personnes dont la présence sur le lieu de travail est indispensable : ouvriers, employés du commerce ou de la distribution, soignants…
Les risques liés à
l’intensification du travail
Sur le papier, la semaine de quatre jours, sans réduction du temps de travail hebdomadaire, séduit de nombreux Français, attirés par la perspective de bénéficier d’un jour supplémentaire de repos. Cependant, dans la pratique, une telle organisation du travail peut engendrer des contraintes significatives, tant pour les salariés que pour les managers.
Des semaines « condensées »
Faire en quatre jours des tâches jusqu’ici réalisées en cinq, est-ce réaliste ? Les salariés peuvent-ils tenir une telle cadence sur le long terme ? A ce prix, la journée « gagnée » pendant la semaine l’est-elle réellement ?
Quand il y a semaine en quatre jours, il y a nécessairement une intensification du travail pour réaliser en quatre jours des tâches jusqu’ici réalisées en cinq. Les salariés peuvent se retrouver avec une charge de travail accrue lorsqu’ils doivent accomplir leurs tâches habituelles sur une période de temps plus courte. Cela entraîne une pression supplémentaire, un rythme de travail intense et une difficulté à respecter les délais, ce qui génère du stress et de la fatigue.
Semaine condensée : promesse de repos ou source de stress ?
Pour les employés, la concentration des heures de travail sur quatre jours signifie des journées plus longues et potentiellement plus épuisantes. Cette intensification peut entraîner une fatigue accrue, réduisant leur efficacité et leur bien-être à mesure que la semaine avance. La gestion de la vie personnelle peut également devenir plus complexe, car les longues journées peuvent limiter le temps disponible pour les activités quotidiennes, comme s'occuper des enfants, pratiquer un loisir ou tout simplement se détendre en soirée.
De telles cadences excluent des catégories entières de salariés. Dans un contexte de vieillissement de la population active, la soutenabilité du rythme de travail est le premier frein identifié par les salariés. L’allongement des journées de travail risque aussi de renforcer les inégalités de genre, puisque les mères sont encore largement celles qui sont contraintes de quitter le bureau à 17 h 30 ou à 18 heures pour récupérer les enfants.
Certains salariés qui ont expérimenté la semaine en 4 jours sont revenus en arrière et sont repassés en 5 jours. La fatigue est l’une des principales raisons qui incitent les salariés à revenir à cinq jours de travail, précise le Crédoc dans son étude.
Du côté des employeurs, l'organisation du travail est complexifiée, particulièrement pour la gestion des plannings de salariés au contact d’usagers, d’administrés ou de la clientèle (les jours libérés s’ajoutant au télétravail, aux congés et aux autres absences).
Enfin, la mise en place d’une semaine de quatre jours sans
réduction du temps de travail peut demander des ajustements structurels,
comme l’adaptation des outils de communication et la mise en place de
nouvelles règles pour garantir la fluidité des échanges et le respect des
délais. Le Crédoc souligne ainsi un « accroissement de la charge
mentale pour certains managers ».
Des expérimentations avec des résultats variables
Dans l’ensemble, les résultats des expérimentations avec la semaine de 4 jours sont variables, même si plusieurs expérimentations sont encourageantes.
Les expériences positives rapportent souvent une amélioration de la satisfaction au travail, de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, de la productivité, de la motivation des salariés et même de la santé mentale. Les salariés ont généralement signalé une meilleure qualité de vie, une réduction du stress et une plus grande satisfaction globale.
En revanche, d’autres expérimentations ont pu rencontrer des difficultés ou des résultats mitigés. Dans certains cas, l’adaptation à des horaires plus longs par jour s’est avérée difficile pour certains employés, notamment ceux qui jonglent avec des obligations familiales ou des trajets quotidiens.
Face à ces expériences contrastées, de nombreux défis restent à surmonter avant d’envisager la généralisation de la semaine de quatre jours. Il est essentiel de réfléchir attentivement à l’organisation globale du travail, en prenant en compte la nature des tâches, les exigences des secteurs d’activité et les besoins des employés. Des dispositifs d’accompagnement et d’ajustements doivent être mis en place pour faciliter la transition, notamment pour ceux qui pourraient avoir du mal à s’adapter à ce nouveau rythme. Une phase de réflexion approfondie et de planification semble indispensable pour réussir cette mutation et éviter que des inconvénients potentiels ne contrebalancent les avantages de cette organisation innovante.
Une mission parlementaire s'est penchée sur le sujet pendant six mois. Le rapport d'information parlementaire sur la semaine de quatre jours, publié mercredi 16 octobre 2024, indique que cette organisation du travail « n'est ni un remède universel aux maux qui affectent le monde du travail, ni une fausse bonne idée sans avenir ».
Si la mission est convaincue que la semaine de moins de cinq jours peut jouer un rôle important dans la transformation du travail, il est bien trop tôt, dit-elle, pour légiférer sur le sujet. Elle recommande de laisser la main libre aux entreprises.
Publié le 3 février 2025
Rédigé par Officiel CSE
Sources :
« Semaine en 4 jours, horaires flexibles : des formules qui séduisent,
mais dont les avantages pour l’ensemble des salariés restent à démontrer
». - Étude réalisée pour la Fondation The Adecco Group par le CRÉDOC – Téléchargez la synthèse de l’étude (PDF)
Rapport d'information déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires sociales, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur la semaine de quatre jours, n° 460, déposé le mercredi 16 octobre 2024.
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