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- Le rôle incontournable des experts auprès des CSE
Le rôle des experts auprès des comités sociaux et économiques (ex comités d’entreprise) dans les relations professionnelles françaises s’est considérablement accru. Leur mobilisation par les CSE est devenue une pratique courante, notamment dans les grandes entreprises. L’expert apparaît aujourd’hui comme « le personnage incontournable pour aider le CSE à la compréhension des nombreux champs pour lesquels il a un droit d’intervention ».
Les ordonnances Macron ont récemment modifié les modalités de recours à l’expertise par le comité social et économique. Celles-ci sont désormais plus encadrées qu’elles ne l’étaient pour le CE et le CHSCT.
Un peu d’histoire
Le recours à l’expertise, pourtant possible dès 1946 en ce qui concerne l’assistance d’un expert-comptable pour la lecture des comptes annuels, ne s’est véritablement développé qu’au cours de la décennie 1970 dans un contexte de chômage structurel et de modification des organisations du travail. L’un des principaux cabinets d’expertise, proche de la CFDT, Syndex, est fondé en 1971 ; Secafi, qui a pour sa part des liens historiquement forts avec la CGT et qui prend la suite de cabinets comptables déjà liés à la confédération, est créé en 1983, juste après les lois Auroux.
À côté des différents cas de recours aux experts (expertises dans le cadre des consultations récurrentes du comité d’entreprise), les lois Auroux entérinent aussi des missions d’expertise exceptionnelles auprès des CE. Elles correspondent à la logique d’aménagement ou d’anticipation des situations dites de crise de l’entreprise qui se sont multipliées (Supiot, 1994). En effet, depuis les années 1980-1990, les restructurations sont devenues plus fréquentes, apparaissant désormais comme un mode récurrent de gestion (Beaujolin-Bellet et al., 2012). Le rôle accordé à l’entreprise dans la régulation de la relation d’emploi n’a dès lors cessé de croître (Freyssinet, 2005).
Les différents cas de recours à un expert par le CSE
Modifiés par les ordonnances Macron, les cas de recours à un expert par le CSE sont les suivants :
- Consultations récurrentes
Le CSE peut recourir à l’expertise dans le cadre des consultations récurrentes sur les orientations stratégiques, la situation économique et financière, la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi. Un accord d’entreprise ou, à défaut, un accord conclu entre l’employeur et le CSE adopté à la majorité des membres titulaires élus, peut déterminer le nombre d’expertises dans le cadre des consultations annuelles sur une ou plusieurs années.
- Consultations ponctuelles
Le CSE peut recourir à l’expertise dans le cadre des consultations relatives aux opérations de concentration, à l’exercice du droit d’alerte économique, aux projets de licenciement économique d’au moins 10 salariés dans une même période de 30 jours, aux offres publiques d’acquisition ou afin qu’il apporte toute analyse utile aux organisations syndicales pour préparer les négociations relatives à un accord de performance collective ou à un plan de sauvegarde de l’emploi.
- Recours à un expert « habilité » (article L. 2315-94)
Le CSE peut faire appel à un expert habilité / agréé dans plusieurs cas :
1) Lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement ;
2) En cas d’introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;
3) Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle.
- Les expertises libres
Le CSE peut également avoir recours à des expertises libres et des expertises techniques dans les entreprises d’au moins 300 salariés. Le CSE peut ainsi, comme auparavant pour le comité d’entreprise, faire appel à toute expertise pour la préparation de ses travaux.
La certification et l’habilitation des experts obligatoire à compter du 1er janvier 2022
Du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2021, le CSE peut faire appel à un expert agréé. A compter du 1er janvier 2022, il devra s’agir d’un expert « certifié » ou « habilité ».
A compter du 1er janvier 2022, l’agrément laissera place à la certification, permettant à l’expert de justifier de ses compétences. Cette certification sera délivrée par un organisme certificateur accrédité par le comité français d’accréditation ou par tout autre organisme d’accréditation. Des dossiers de demande de certification pourront être déposés et des certifications délivrées, préalablement au 1er janvier 2022.
Vous souhaitez recourir à une expertise, cliquez sur la liste des experts agréés au 1er janvier 2020.
Le financement des expertises
Trois modalités de prise en charge des coûts de l’expertise sont prévues par les dispositions légales. Il peut s’agir d’une prise en charge intégrale par l’entreprise, d’une prise en charge conjointe par l’entreprise et le CSE, ou d’une prise en charge exclusive du CSE sur son budget de fonctionnement.
- Financement intégral par l’employeur
Les cas dans lesquels l’employeur doit assurer le financement intégral du coût de l’expertise sont limitativement prévus par le Code du travail. En pratique, et sauf dispositions conventionnelles plus favorables, celui-ci intervient majoritairement, en cas de recours par le CSE à un expert-comptable (à l’exception de la consultation portant sur les orientations stratégiques de l’entreprise où un co-financement est prévu).
- Financement conjoint par l’employeur et le CSE
L’expertise décidée par le CSE sera financée conjointement par l’entreprise et le CSE sur son budget de fonctionnement, à hauteur respectivement de 80 % et de 20 %, lorsque l’expertise est décidée dans le cadre de la consultation sur un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.
- Financement intégral par le CSE
Dans le cas des expertises libres, contrairement à ce qui est prévu dans les autres situations, le coût de cette expertise est totalement à la charge du CSE (sauf accord plus favorable).
Dans la pratique
Face à l’asymétrie fondamentale d’information entre élus du CSE et directions, l’intervention des experts est censée permettre au CSE de mieux comprendre les décisions de cette dernière, de formuler un avis éclairé et d’élaborer des contre-propositions.
Dans ce positionnement de l’expertise se lit l’ambition de dépasser ce qui est perçu comme des réflexes défensifs en faveur d’un dialogue basé sur un constat fondé et partagé. L’expert contribue ainsi – selon la charte des bonnes pratiques de l’ordre des experts-comptables – « à favoriser un dialogue social de qualité, qui est l’une des composantes de la réussite économique et sociale des entreprises ».
En pratique, les situations dans lesquelles se trouve l’expert ou l’experte sont très variables puisque le contexte des entreprises varie autant que l’attitude des directions. Ainsi, l’expertise est souvent perçue par ces dernières comme dérangeante, non seulement parce qu’elle permet de poser un regard extérieur sur l’entreprise et contraint l’employeur à des justifications, mais aussi parce qu’elle est suspectée de se muer en « technique dilatoire pour retarder la tenue des réunions ou la remise des avis » (Lagesse, Bouffier, 2013:134). Face à ces attitudes, annoncer à l’employeur vouloir demander une expertise risque de mettre sous tension la relation entre celui-ci et les représentants et représentantes du personnel. Même là où elle est en principe acceptée, on lui reproche régulièrement de « coûter trop cher ». C’est la raison de l’existence de contentieux abondants entre directions et CSE, concernant la rémunération des experts et expertes, mais aussi le champ de leur mission et leur pouvoir d’investigation (Taraud, 2013).
L’autonomie des experts vis-à-vis de la direction et du CSE
En faisant appel à une expertise, les élus du CSE gagnent du temps mais aussi un soutien technique qui leur permet de peser davantage face à l’employeur. Le cadre juridique de l’intervention des experts positionne l’expert ou l’experte comme un acteur quasi autonome.
Vis-à-vis de la direction de l’entreprise, ce sont les droits d’investigation qui jouent un rôle cardinal dans la constitution de l’expert comme figure autonome : ils lui permettent d’exiger la transmission de l’ensemble des informations jugées nécessaire à l’exercice de la mission, y compris sur un périmètre qui dépasse largement celui du CSE (divisions d’entreprise, groupe, sociétés appartenant au groupe, y compris à l’étranger). La confidentialité ou le secret d’affaires ne sauraient être opposés à l’expert-comptable pour ne pas lui communiquer certains documents.
Vis-à-vis du CSE, l’autonomie de l’expert résulte du monopole d’accès à des informations susceptibles de les intéresser : seul l’expert est habilité à déterminer l’usage des droits d’investigation qui lui sont garantis par sa dignité d’expert-comptable. L’autonomie dont jouit l’expert à travers ses prérogatives reste cependant contrainte par sa nomination par le CSE. Elle ou il doit répondre aux attentes que celui-ci formule dans sa lettre de mission. L’autonomie des experts englobe aussi la façon de travailler (à partir de la lettre de mission du CSE) et les conclusions qu’ils ou elles tirent de leur travail d’analyse.
Au-delà de la technique
La compétence des experts que les élus de CSE recherchent ne se limite pas à leur savoir technique. De longue date, les experts fournissent des conseils stratégiques aux instances qui les mandatent. Une partie de ces conseils est formulée de manière informelle lors des échanges ayant lieu au cours des missions d’expertise, lors desquels les élus demandent aux experts leur avis sur la formulation de telle ou telle intervention, du texte d’un accord ou encore sur leur stratégie.
Une tendance à l’extension du champ d’intervention de l’expertise
Suivant une trame établie depuis les lois Auroux, les transformations des prérogatives des représentants ou représentantes du personnel ont été accompagnées d’une réforme du droit des experts. L’activité d’expert englobe désormais des dimensions qui vont bien au-delà de la lecture des comptes de l’entreprise et d’analyse de sa stratégie. Dans un contexte affirmé de décentralisation de la négociation collective et d’instabilité de l’entreprise, la question des ressources disponibles aux élus de CSE se pose avec acuité, d’autant plus qu’ils sont confrontées au défi du renouvellement générationnel.
Face à la faiblesse des ressources syndicales et la tendance à l’extension du champ d’intervention de l’expertise, le rôle des experts mandatés par les CSE n’est pas près de décroître.
Publié le 24 juillet 2020
Auteur : Officiel CSE
Références :
- Kevin GUILLAS-CAVAN et Marcus KAHMANN (2018), « L’expert auprès des comités d’entreprise, acteur oublié des relations professionnelles », La Revue de l’IRES, n° 94-95
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